Les talents : clé de l’expansion des sciences de la vie au pays

Une étude souligne un important manque de talents dans le secteur de la biofabrication

Publié initialement dans le Toronto Star du 2 juillet 2021 (en anglais)
Par Rob Henderson

Les Canadiens sont, à juste titre, heureux que leur pays se trouve maintenant parmi les chefs de file mondiaux en matière de taux de vaccination contre la COVID-19. Toutefois, cette réussite est assombrie par le fait que nous avons été dépendants de producteurs étrangers pour y parvenir.

La pandémie mondiale a révélé d’importantes lacunes, particulièrement l’incapacité du Canada à développer et à produire lui-même ses vaccins. Cette constatation s’ajoute à celle observée au début de la pandémie quant aux déficiences dans la production d’équipement de protection individuelle (EPI). Cependant, nous sommes nombreux à penser que cela doit changer. L’ensemble des Canadiens comprennent que d’autres pandémies pourraient bien se produire et que le pays doit être mieux préparé pour y répondre à l’intérieur de ses frontières.

La constatation de ces lacunes a néanmoins eu des répercussions positives jusqu’à maintenant. Les gouvernements ont annoncé des engagements envers l’infrastructure du secteur des biosciences et manifesté un intérêt renouvelé à investir dans des installations de biofabrication, des laboratoires et d’autres mesures d’expansion de la production nationale.

Bien que la construction de nouvelles installations se poursuive – heureusement d’ailleurs –, il est important de rappeler que l’élément le plus important pour soutenir la vigueur du secteur des sciences de la vie demeure les talents. Nous devons tenir compte de l’aspect humain, du soutien des scientifiques et des entreprises, pour avancer dans une infrastructure nouvelle et élargie. Les installations de biofabrication ne seront pas très productives s’il n’y a pas des talents de génie à l’intérieur.

Présentement, nous faisons face à une importante pénurie de ces talents émérites de la bioéconomie, ce qui ne fera que s’aggraver si nous n’adoptons pas rapidement des mesures collectives.

BioTalent Canada était conscient de cette pénurie bien avant que la pandémie ne nous frappe. Notre entreprise s’est donné pour rôle de faire le pont entre les talents prêts à l’emploi et les employeurs du secteur de la biosanté. Nous soutenons les gens derrière la science essentielle; nous sommes une ressource de confiance pour l’analyse du marché du travail dans la bioéconomie.

Les résultats de notre étude, entamée avant la pandémie et mise à jour tout au long de cet environnement en évolution, démontrent un besoin urgent d’accélérer le développement des compétences et de renforcer les mesures de soutien au marché afin d’alimenter le pipeline de talents requis pour ces emplois essentiels de la biofabrication.

Depuis 2018, BioTalent Canada mène une étude exhaustive sur le marché du travail dans le secteur de la bioéconomie à l’échelle nationale. Le rapport complet sur l’offre et la demande sera publié l’automne prochain, mais nous tenons à divulguer dès maintenant quelques données critiques. Les résultats préliminaires de notre étude indiquent que, d’ici la fin de la décennie, le Canada aura besoin de 5 160 employés dans les secteurs de la fabrication et de la production liés à la biosanté. Les fonctions connexes de distribution et de logistique, ainsi que de contrôle et d’assurance de la qualité, essentielles pour acheminer les produits vers les marchés, requerront 3 780 employés additionnels.

Ces projections sont fondées sur les tendances de la demande actuelle, même sans l’expansion que nous savons être impérative.

Bien que les chiffres soient importants en eux-mêmes, ils sont encore plus alarmants dans le contexte actuel. Les résultats de l’étude démontrent que les talents actuellement disponibles dans la biofabrication et la production représentent moins de 25 % de la demande réelle. Cette situation devrait se poursuivre au moins jusqu’en 2029 et peut-être au-delà, à moins que des mesures ne soient prises pour recruter et former plus de talents en biofabrication.

Cette pénurie ne touche pas seulement les scientifiques. Lorsque nous pensons à la bioéconomie, nous imaginons habituellement des gens en sarraus. Ils sont importants, bien entendu, mais il ne faut pas oublier la partie « économie » de bioéconomie. Les talents locaux en fabrication, en développement des affaires, en commercialisation (incluant le marketing et la promotion), en logistique, en communications et en leadership jouent tous un rôle essentiel pour permettre au Canada de devenir un important joueur dans le secteur de la biosanté et d’atteindre l’autosuffisance dans l’éventualité d’une autre crise sanitaire.

Certaines solutions potentielles ont émergé, comme un meilleur déploiement des jeunes sous-employés et des nouveaux arrivants au Canada, pour transférer et former ces talents disponibles aux biosciences.

D’autres idées ont également été mises de l’avant, comme améliorer les programmes de développement des compétences, cibler les investissements et accroître les synergies entre les entreprises.

Plus que tout, nous devons travailler ensemble – gouvernements, entreprises et institutions d’enseignement – pour créer une approche novatrice et cohésive.

Nous sommes impatients de publier les résultats complets de l’étude de marché, l’automne prochain, car elle quantifiera les défis relatifs à l’offre et à la demande dans tous les secteurs de la bioéconomie. Pour l’instant, les données sur la biofabrication font ressortir que la pénurie de talents constitue une priorité dont il faut s’occuper urgemment.

C’est formidable que les Canadiens soient en mesure de se faire vacciner. Il urge maintenant de passer à l’action pour que, la prochaine fois, ce soient les Canadiens qui mènent le bal.

Rob Henderson est président-directeur général de BioTalent Canada


Traduit de l’anglais par Guy Hanigan